Des profils nuancés de managers intermédiaires.

- Les « smarts créatifs » : exemple type, le manager GAFA. Très autonomes, qui inventent leur métier et s’auto-assignent leur mission. Ils adhèrent aux valeurs d’une culture puissante mais les sièges locaux conservent des éléments identitaires du pays. Surtout, le mode de travail est défini par une culture « bottom up » où « la bonne idée, même si elle émane du stagiaire, est écoutée » et les démarches « user centric » déterminantes dans l’organisation du travail.
- Les « agiles affinitaires » : les trentenaires et pré-quarantenaires hyper adaptés, flexibles, souvent très nomades car ils gèrent des équipes éclatées dans des villes différentes. Leur productivité est orientée performance collective et repose sur un management de proximité où le manageur travaille de façon collaborative au sein de son équipe et à ses côtes.
- Les « liquides autonomes » : des consultants hyper autonomes et responsabilisés, « client oriented » et sur la culture du résultat et de la performance. Très nomades, ayant totale liberté sur leur lieu de travail qui peut passer du siège au domicile ou chez le client selon les besoins.
- Les « slasheurs en quête de sens » : des indépendants pour la plupart (mais pas que puisque certains sont encore à temps complet dans une grosse société) créatifs, émancipés et plus critiques des codes de la grande entreprise et notamment de l’open space ou flex office jugé souvent déshumanisé et improductif.
Dans ces conditions, que penser du bureau traditionnel ? L’immobilier, vestige désuet dans un contexte d’éclatement des temps et de dématérialisation des lieux ou ultime rempart pour enrayer la déconnexion à l’environnement ? Au-delà de toute conception binaire, quels espaces au service des synergies et de la productivité ?
Qu’ils soient issus de petites sociétés de conseil ou du géant du web, les managers et chefs de projet sont pragmatiques, user centric, et plébiscitent unanimement, bien qu’à des degrés divers, des modes de management bottom-up. Valorisation de l’entrepreunariat interne, auto-assignement des missions au sein de l’équipe, primauté à la pertinence de l’idée, accompagnement managérial versus contrôle sont autant de ferments d’un fonctionnement optimisé.
Par ailleurs, les relations interpersonnelles constituent toujours autant, voire plus, un facteur d’engagement et de motivation. Elles priment de fait sur les processus et les outils, et sont les meilleures ambassadrices du collectif. Point de méthodes et de nouveaux modes de travail qui ne faciliteront plus le collectif que les rites de convivialité, au bureau ou à sa sortie.
Des états d’esprit qui vont de pair avec une appétence forte pour des espaces de travail hétérogènes, écho à la variabilité des missions et des cultures.
En termes organisationnels d’abord, le plébiscite est net pour l’open space et l’ « activity based working », adapté aux différents besoins. Tables de taille variable et espaces centraux collaboratifs, espaces semi-ouverts, capsules fermées ou box pour téléphoner, espaces isolés pour se concentrer ou échanger, lieux dévolus au bien-être type cafétarias ou cuisines. En ligne de mire : encourager le collaboratif et créer une intimité au service de petites équipes projet, avec des managers opérationnels de proximité mais néanmoins mobiles. Le terme « open space » tend à disparaître au profit d’une sémantique autour des espaces « collaboratifs », « ouverts », « de transmission ». Au-delà des enjeux créatifs et des opportunités décuplées par le brainstorming, la transparence permet d’accroître la réactivité et de désamorcer d’éventuels blocages. « J’aime bouger dans l’espace, voir les équipes, les autres services, mais reste facilement trouvable pour mes équipes ». n« Je préfère être avec mes équipes, pouvoir réagir en cas de problème, épauler ». Avec l’avènement du « lean management » les « stand-up meeting », courts, non programmés, à des heures de grande présence (i.e. en milieu de journée), constituent un outil type de partage dont le déploiement est facilité par une disposition en open space, sous réserve de bureaux attitrés (ou de fléchage restreint d’espaces équipes).
Dans cette quête d’ouverture et d’échanges, le flex office est vécu comme une organisation susceptible de renforcer la cohésion et la convivialité au sein de l’équipe, mais ne permettant pas de décloisonner réellement les silos. Le flex comme ode au nomadisme, au bouleversement des repères, au travail inter-équipes, à la liberté, est valorisé par les plus jeunes. Néanmoins, dans les faits quasi exclusivement organisé par pôle, il ne libère pas les flux et reste mal accepté par les manageurs plus âgés, qui regrettent la déshumanisation du rapport à l’espace de travail. Ainsi cette manageuse transverse, qui dit « bouger pas mal, changer de place, mais mal connaître les collaborateurs présents autour ». Et d’admettre que « ce n’est plus très gai de venir bosser ». Dans ce jeu de chaises musicales, l’appropriation des meilleures places, près des fenêtres et loin des couloirs, devient un privilège et réveille les appétits pour une tendance « feng shui », dans un contexte où la personnalisation des bureaux disparaît.
À la marge mais néanmoins présents, les bureaux fermés restent l’apanage d’activités à haut degré d’approfondissement et de concentration, ou de transfert de compétence en équipe restreinte. « Mon équipe d’ingénieurs doit pouvoir se concentrer, être au calme, ils ont besoin de bosser avec leurs pairs et de transférer des compétences donc les petits bureaux fermés ; à 4, c’est bien. En open space ou flex office, au vu des tâches, nous perdrions en productivité »
Entre le consultant pour qui chaque journée est différente, le chef de projet aux horaires de travail variables et l’ingénieur intégré à une grosse société mais qui ne veut pas se sentir « aliéné », la notion de modèle unique déployé à l’échelle de l’entreprise rend méfiant. Et certains employeurs, en quête de talents, l’ont bien compris : un modèle intégré au service d’une culture puissante n’obère pas de respecter voire de cultiver les spécificités locales. « Entre le siège Googleplex dans la Sillicon Valley et les bureaux de Zurich ou Paris, la culture est cohérente, mais les aménagements divergent, avec des espaces plus ou moins fermés, des lounges tout à fait différents… ».
En synthèse, une tendance forte qui transcende un nomadisme réel et largement plébiscité : la persistance d’un siège vécu comme névralgique, valorisé et investi. Lieu de convergence des collaborations, ses attributs se redéfinissent, incorporant souplesse dans le temps et exigences d’adaptation aux spécificités métiers. Brainstormer, délivrer des productions ou transférer des compétences sont autant de fonctionnalités facilitées par un travail au siège, au-delà des vraies opportunités permises par les outils collaboratifs tech dont le chat video. Concluant la conférence de restitution du Lab de juin, Loïc DANIEL -Directeur Général Délégué Nexity Immobilier d’Entreprise- rappelle que maximiser l’idéation dans un contexte d’atomisation des lieux de travail (à domicile, chez le client, au café, dans un espace de coworking…) sous-tend de concevoir des bâtiments en intégrant le maximum de contraintes en amont… pour un emploi à la carte. La frugalité de l’aménagement comme voie royale pour plus de flexibilité (être en mesure de redéfinir l’espace en fonction de l’évolution des besoins métiers et des profils de collaborateurs) ?