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Congestion urbaine, faible taux de vacance et densité des centres-villes nous poussent à partir à la conquête de nouveaux espaces. Autopartage, espaces de bureaux, zones de services : et si la transformation des parkings était (une partie de) la solution ?

Vivre dans un monde sans parking ? Ce n’est pas pour tout de suite. Mais si l’on faisait table rase du passé, et décidions de ré-inventer pour la première fois des parkings, les ferions-nous à l’identique de ceux que nous utilisons depuis des décennies ? Quelle logique à leur dédier autant de mètres carrés en centre-ville pour un usage somme-toute basique, n’offrant aucune autre valeur qu’un simple espace de stationnement ?

Une vaste réflexion est menée afin d’optimiser l’aménagement des sous-sols par la transformation de parkings, jusqu’alors pensés pour un seul et unique usage. Deux dynamiques majeures nous poussent à penser les parkings de demain : la congestion des zones urbaines (à Paris, le taux de vacance est inférieur à 3%, alors que l’on situe le seuil de fluidité à 6,5%…), et l’arrivée des nouveaux usages de mobilité qui rendent les parkings tels que nous les connaissons obsolètes : voiture électrique, péages urbains, mobilités douces, autopartage, et demain, la voiture autonome (33 millions de véhicules autonomes vendus chaque année à partir de 2040 !). Bonds en avant technologiques, évolutions structurelles : toutes les conditions sont réunies pour qu’après avoir fait leurs révolutions en surface, les immeubles tertiaires fassent leur mue en sous-sol.

Le temps du partage

Dans la capitale, les places disponibles pour les résidents excèdent de 34% le nombre de véhicules (621.600 places contre 462.000 voitures). Pourtant, les Français perdraient l’équivalent d’une journée entière chaque année à tenter de trouver une place de parking. Antagonique ? « Depuis 60 ans, on construit les parkings de la même façon : trois places suivies de deux poteaux », déplore Serge Clémente, président d’Indigo, la filiale « parking » de Vinci. Autre opérateur de parkings intelligents, ZenPark propose d’y remédier avec des solutions novatrices : « ZenPark, c’est le Airbnb du Parking, commente Georges-Étienne Faure, directeur de l’innovation et des nouveaux métiers de Nexity. Cela fonctionne à la fois à l’échelle d’un particulier qui souhaite mettre à disposition sa place de parking personnelle, comme à celle de tout un immeuble tertiaire dont les 400 places de parking réservées aux collaborateurs sont mises à dispositions le soir et le week-end quand les bureaux et les parkings se vident. » Une solution qui se place comme intermédiaire entre l’offre et la demande, et rémunère, après commission, le propriétaire des lieux. « Comme le fait aujourd’hui AWS (Amazon Web Services) pour les sites Internet, les « smart parkings » offriront stockage, maintenance, captation de données et communication en temps réel pour permettre le déploiement et la « scalabilité » des solutions de VaaS (vehicle-as-a-service) », écrivait récemment dans Les Échos William Rosenfeld, cofondateur et PDG de Zenpark. Chez Indigo, qui expérimente avec Midas et Norauto des services de maintenance intégrés aux parkings, on fait la même analyse… Smartgains, Parkisseo, Tripndrive figurent parmi les autres solutions de ce marché en plein expansion.

Réinventer les usages

Voir au-delà du capot d’une voiture, voilà aujourd’hui l’ambition de ceux qui s’intéressent à l’autre grande dynamique qui affole le marché : la congestion des zones urbaines. « En tant que professionnels de l’immobilier, nous nous posons nécessairement la question de la valorisation de ces sous-sols, analyse Georges-Étienne Faure. Jusqu’à maintenant, on ne se posait pas suffisamment la question de la valorisation de ces lieux. Au-delà de leur aménagement (recharge électrique, accueil partagé…), nous devons imaginer des sous-sols plus ouverts sur l’extérieur. Il faut cesser de voir les parkings comme des contraintes, des zones de coûts, mais comme des opportunités ». Un nouveau territoire à conquérir.

À La Défense, Indigo a lancé L’Alternatif : une partie des parkings y est réaménagée en cafétéria, lieux d’exposition et espaces de coworking. Un auditorium de 480 sièges y a même été aménagé. « On ne peut se contenter de simplement développer la ville sur la ville. Il faut construire la ville sous la ville », professe à ce titre l’architecte Dominique Perrault, qui pense la verticalisation de la ville dans toute sa dimension. Reconversion de parcs de stationnement souterrains, aménagement de services nouveaux, et équipements tertiaires en sous-sols figurent parmi les scénarii qu’il envisage pour ces espaces.

Les deux challenges des bureaux en sous-sol

« Des points relais pour le e-commerce, de la petite logistique, des solutions de stockage type ‘une pièce en plus’, l’hébergement de data centers ou même de l’agriculture hors-sol avec de la culture de champignons qui ne nécessite pas de lumière, sont régulièrement envisagés, explique Georges-Étienne Faure. Chez Nexity, nous avons pris le parti de ‘creuser’ une piste, celle de développer l’offre de bureaux dans les parkings réaménagés ». Un projet cher à Nicolas Mahé architecte programmiste chez le promoteur, et qui planche sur la transformation de certaines zones de parkings en surfaces tertiaires. « On estime qu’il manque environ 500.000 mètres carrés de bureaux à dans Paris Intramuros », explique-t-il, avant de détailler son idée : transformer les surfaces de parking sous-exploitées en espaces de bureaux et de service.

« Deux challenges principaux sont à relever. Le premier est d’ordre technique, et saute aux yeux, explique l’architecte. C’est le problème de la lumière. On travaille sur des descentes de patio, des puits de lumière à même d’offrir son accès à tous les occupants. Le second est la question des usages. Les bureaux accueillent de plus en plus de nouveaux services : un centre de fitness, des conciergeries, des espaces de co-working, des business center… » Des solutions existent pour aménager ces espaces en sous-sol, car aujourd’hui, les villes peinent à se développer vers le haut. « Le sous-terrain offre aussi un avantage en termes de frugalité, puisqu’il y a moins besoin de chauffer en hiver, et les espaces sont plus facilement réfrigérables l’été », renchérit Nicolas Mahé. Tout pour plaire, donc, notamment à Paris, où le gabarit haussmannien, limité en hauteur, est le standard : « Il est tout à fait possible d’y développer des bureaux en sous-sol, tout en préservant le patrimoine architectural qui fait la spécificité de la capitale ».