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La crise de la covid-19 a accéléré le déploiement des modes de travail alternatifs. Pour faciliter l’accès aux espaces de coworking les entreprises pourraient développer le modèle du ticket bureau, inspiré des titres restaurants.

MISE À JOUR – VENDREDI 12 FÉVRIER – Proposition de loi pour un ticket bureau

À l’initiative de Julien Bargeton et 19 sénateurs, une proposition de loi a été déposée au Sénat pour « faciliter l’accès à des bureaux de proximité » et « maintenir la vie sociale des travailleurs à distance ».

Ce projet prévoit notamment la création d’un « titre spécial de paiement remis par l’employeur aux salariés pour leur permettre d’acquitter tout ou en partie les frais générés » par l’usage d’espaces de coworking.

Une réduction d’impôt équivalente à 50% des frais générés par le travail à distance ainsi qu’une réduction d’impôt équivalente à 40% de la valeur d’acquisition de bureaux de proximité est par ailleurs prévue pour les employeurs.

Payer sa place dans un espace de travail partagé avec ses services et commodités pourrait bien devenir aussi simple que de payer sa table et son couvert dans un restaurant. Si le ticket restaurant est devenu la norme en France dans les années 1970, le ticket bureau pourrait marquer la décennie à venir.  D’après un sondage réalisé par le leader français du coworking, Morning, un salarié sur deux souhaite demander à sa hiérarchie de pouvoir accéder de façon ponctuelle à de tels espaces. Pour Clément Alteresco, fondateur de Morning, « quand on passe de zéro jour de télétravail à un jour par semaine, on peut se contenter de travailler chez soi. En revanche, dès qu’on passe à deux, trois jours ou plus en télétravail, on peut ressentir le besoin d’aller travailler de temps en temps dans un autre lieu que son domicile ».

"Les entreprises pourraient prendre en charge une partie des frais tout en obtenant une exonération de charges sur ce supplément au salaire"

« Les salariés rencontrent d’autres personnes, des entrepreneurs, des cadres d’entreprise »

Le principe est simple, « le ticket bureau permettrait à un employeur d’apporter une aide financière à son salarié pour qu’il occupe un poste de travail à proximité de son logement » explique Clément Alteresco. Le ticket bureau donnerait accès à tous les espaces de travail partagés, tiers lieux, anticafés, etc. Plus de 4 Français sur 10 ne disposent pas de bureau ou de coin bureau dans leur logement et 34% estiment que leur logement n’est pas adapté au télétravail révèle le baromètre Qualitel. Pour s’assurer que leurs salariés puissent bénéficier d’espaces confortables, les entreprises pourraient prendre en charge une partie des frais tout en obtenant une exonération de charges sur ce supplément au salaire. « On pense que le télétravail à la maison n’est pas toujours adapté et ce qui est très intéressant c’est que les agents rencontrent d’autres personnes, des entrepreneurs, des cadres d’entreprise, et peuvent échanger, discuter…» témoigne Bernard Giry, conseiller au numérique et à l’innovation de la Région Ile-de-France.

« Il faut accompagner un phénomène qui devient inéluctable »

Le ticket bureau n’est pour le moment qu’en phase d’étude, et sa mise en place requiert une concertation des acteurs publics et privés. Pour Julien Bargeton, sénateur de Paris interrogé par Regards Croisés, « rien n’empêche que des parlementaires fassent une proposition de loi mais il vaut mieux que cela vienne des entreprises, je suis content de voir que des acteurs comme Nexity se battent pour des missions d’intérêt général au-delà de leurs activités commerciales ». La ministre du logement Emmanuelle Wargon a souligné l’intérêt de cette solution, « c’est malin » reconnait-elle. Julien Bargeton identifie deux raisons majeures pour instaurer le ticket bureau « la transition écologique est la première motivation, le télétravail permet de travailler chez soi ou plus proche de chez soi et ainsi de désengorger les transports, la seconde tient au fait que le télétravail est une attente évidente des Français. Il faut accompagner un phénomène qui devient inéluctable ».

"Si les espaces de coworking sont désormais prisés, tout le monde ne peut se permettre d’y travailler. Le ticket bureau pourrait bien justement réduire cette inégalité d’accès"

« Il y a un objectif de création de tiers lieux sur tout le territoire »

De même que le ticket restaurant laisse libre le salarié d’aller manger où il le souhaite, le ticket bureau permettrait d’offrir plus de liberté au salarié, lui permettant non seulement dans son choix de lieu de travail, mais aussi de vie. Pour l’heure « la moitié des tiers lieux d’Ile-de-France sont situés dans Paris » mais « il y a un objectif de création de nouveaux tiers lieux sur tout le territoire ce qui nécessite de renforcer les investissements » atteste Bernard Giry. « La Région finance en partie des projets et alloue environ 3 millions d’euros par an dans les tiers lieux de coworking, essentiellement au sein de la grande couronne ». Pour Bernard Giry, le rôle de la Région est « d’aider les entreprises à déployer le télétravail » et le ticket bureau peut y participer car aujourd’hui encore « on constate que beaucoup des espaces de bureau partagés vivent davantage des entrepreneurs que des télétravailleurs ». Enfin, si les espaces de coworking sont désormais prisés, tout le monde ne peut se permettre d’y travailler. Le ticket bureau pourrait bien justement réduire cette inégalité d’accès.