Le concept Essentiel, dont le premier immeuble est en cours de développement à Lyon, incarne la sobriété dans le bâtiment en France

Crédit photo : © (©Baumschlager Eberle)

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De par sa place dans nos vi(ll)es et les différents sujets qu’il adresse au cours de son cycle de vie, le bâtiment se retrouve au cœur des enjeux de sobriété. Ghislaine Seguin de Nexity, Audrey Camus d’Ivanhoé Cambridge et l’architecte Anne Speicher ont livré leurs analyses sur cette tendance qui transforme l’immobilier lors du dernier webinaire Regards Croisés. Morceaux choisis.

 

Sécheresses, risques de coupures d’électricité, zéro artificialisation nette… Ces différentes tendances qui rythment notre quotidien depuis plus d’un an ont remis la frugalité au goût du jour. Et un secteur se retrouve au confluent des différentes sobriétés : le bâtiment. « Nous vivons la sobriété à chaque étape d’une opération immobilière, abonde Ghislaine Seguin, directrice générale déléguée du pôle promotion de Nexity Entreprises. Nous nous astreignons à ne plus construire sur des espaces naturels, agricoles et forestiers. Ensuite, c’est la sobriété par rapport aux matériaux de construction employés afin d’abaisser au maximum l’empreinte carbone en optant pour le bois, le béton de chanvre... C’est aussi la priorité donnée à la réhabilitation ou la restructuration plutôt qu’à la démolition, au déjà-là. Enfin, c’est la sobriété en phase d’exploitation du bâtiment. »

Même approche du côté des investisseurs long terme comme Ivanhoé Cambridge : « Toutes les sobriétés font partie de mon quotidien avec un accent encore plus prononcé sur la phase exploitation en portant une attention particulière aux consommations d’énergie, à la maintenance mais aussi aux aménagements intérieurs, précise Audrey Camus, vice-présidente du développement et de la gestion d'actifs Europe. Le tertiaire adopte de plus en plus les codes de l’hôtellerie mais nous encourageons nos utilisateurs à imager des concepts qui durent dans le temps et à privilégier du mobilier réutilisable. » Anne Speicher, architecte et directrice de Baumschlager Eberle Architektenun en France, complète : « Après l’ère de l’architecture high tech, nous sommes revenus dans une nouvelle sobriété qui est liée à la valeur culturelle. Nous travaillons au quotidien sur l’authenticité des matériaux en privilégiant ceux qui sont réemployables, sur des solutions passives et géométriques pour baisser les consommations d’énergie … ». Des approches qui nécessitent d’avoir les bons outils de mesure.

 

De l’importance de bien monitorer la sobriété du bâtiment

 


Si la sobriété foncière sera mesurée grâce au zéro artificialisation nette (ZAN) introduit par la loi Climat et Résilience, celle de la construction s’évalue grâce à des labels comme celui de l’association Bâtiment Bas Carbone (BBCA). Quant à la sobriété énergétique, elle se mesure grâce à des relevés de consommation. Et un des moyens les plus efficaces pour les faire baisser est de limiter le nombre d’installations techniques déployées dans l’immeuble, à l’image du « 22-26 ». « Sans chauffage ni climatisation, ce bâtiment garantit une température intérieure oscillant entre 22 et 26 degrés grâce à un choix de matériaux stratégique qui permet l’absorption et le stockage d’une certaine quantité de chaleur et donc une régulation de la température intérieure ; la création d’un système de ventilation naturelle ; la mise en place de volets motorisés intelligents qui assurent le juste équilibre en matière d’humidité, de teneur en CO2, de température ressentie », détaille la directrice France de Baumschlager Eberle Architektenun.

Le cabinet, inventeur du concept, a réalisé un premier prototype tertiaire à Lustenau en Autriche en 2013 et mesure toutes les trois minutes, chaque jour de l’année, la température mais aussi le niveau de CO2, la qualité de l’air… Résultats : les promesses sont tenues. Séduit, Nexity va développer le concept en France sous l’appellation « Essentiel ». Un premier projet résidentiel est en cours de développement à Lyon Confluence avec Anne Speicher. « Les appartements de ce futur bâtiment se sont vendus à une vitesse incroyable car les futurs habitants sont convaincus et affirment ainsi leurs engagements éco-responsables », observe Ghislaine Seguin. « La climatisation est moins courante dans les logements que dans les bureaux, il est donc plus facile de s’en passer dans le résidentiel, tempère Audrey Camus. Le confort des utilisateurs est aujourd’hui le principal défi à prendre en compte pour le développement de la sobriété dans l’immobilier tertiaire. » De quoi s’interroger sur la ou les directions à prendre pour réussir le pari de la frugalité et des transitions.

 

Webinaire Regards Croisés

Comment le recyclage va devenir la norme dans l’immobilier

 

« Une fois que nous aurons un démonstrateur de notre immeuble Essentiel en France, les doutes seront levés », rassure Ghislaine Seguin. Et les trois expertes de répondre d’une même voix sur les contours du bâtiment sobre idéal : « Le 22-26 sur le déjà existant ». La frugalité du bâtiment s’appréhende en effet à l’échelle de son cycle de vie, incluant la période où il devient obsolète. Et si construire neuf coûte moins cher aujourd’hui que de recycler un immeuble, la sobriété est une évidence pour tous les acteurs de la fabrique de la ville aujourd’hui. « Il y a un sujet notamment dans la logistique, illustre Audrey Camus. Il est de plus en plus compliqué de construire de nouveaux entrepôts en France car le foncier se fait rare et ces projets sont de moins en moins acceptés par la population alors que la demande reste soutenue. Or, dans le stock d’entrepôts déjà construits, une part importante est obsolète ou en passe de le devenir dans les années à venir. La question de leur recyclage va devenir de plus en plus prégnante. »

La transition vers la sobriété est également dictée par la réglementation, qu’elle soit nationale (ZAN, RE2020, décret tertiaire…) ou locale avec les plans locaux d’urbanisme. « Paris n’est pas la seule ville à imposer la sobriété avec son futur PLU bioclimatique, nous le constatons même à Londres », sourit Audrey Camus. Et la vice-présidente du développement et de la gestion d'actifs Europe d’ajouter : « La France est en avance sur plusieurs sujets, notamment la qualité de l’air. Nous ne construisons plus d’immeubles de bureaux sans fenêtres qui soient ouvrables depuis l’intérieur alors que c’est encore le cas dans des pays comme la Grande-Bretagne, l’Italie ou même les Etats-Unis ». La France s’imposera-t-elle comme un des pays pionniers de la sobriété dans le secteur du bâtiment ? Réponse dans quelques années.

(Re)découvrez le webinaire Regards Croisés « Le bâtiment, au confluent des sobriétés »