Immobilier d’écoles : les établissements d’enseignement, utilisateurs comme les autres ?

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Pour séduire les étudiants et demeurer attractifs, les établissements d’enseignement supérieur privé ont intégré l’outil immobilier comme pilier central de leur stratégie. Désormais, les campus intègrent les codes de l'hôtellerie et du coworking pour offrir des lieux modulaires, flexibles et différenciants. Un immobilier d’école qui connaît un succès grandissant, en témoigne l’ouverture des campus – en septembre prochain – de Grenoble École de Management et Sup de Co Nantes en région parisienne ou encore celui d’EMLyon à Gerland en 2024.

Un nombre d’étudiants multiplié par deux en 22 ans, 80 nouveaux campus ouverts depuis 2018, 452,4 millions d’euros investis entre septembre 2021 et décembre 2022… Sur l’immobilier d’école dans l’Hexagone, l’on pourrait aisément faire un inventaire à la Prévert – tant ce segment de marché rencontre un franc succès d’après une récente étude publiée par JLL. Mais comment expliquer ce boom exponentiel ? Pour répondre à cette question, il convient de se pencher sur les stratégies immobilières de ces établissements d’enseignement supérieur privé. « Tout d’abord, ces écoles, dans leur stratégie globale, n’ont eu de cesse d’ouvrir de nouvelles implantations dans les grandes métropoles régionales pour être là où se trouvent les étudiants », relate Magali Von Kanel, consultante recherche stratégie immobilière chez JLL. Par ricochet, l’immobilier participe à l’employabilité dans ces bassins d’emplois régionaux où s’entremêlent des pôles économiques, étudiants et de recherche. « Les écoles de spécialités ont été implantées en fonction des besoins industriels, et participent à l’écosystème en formant des employés pour les bassins d’emplois comme à Lille avec le textile, Lyon pour la santé et Toulouse en aéronautique, confirme Charlotte Bonneville, directrice conseil project & development services au sein de JLL. Cette combinaison gagnante permet à ces métropoles d’attirer les talents sur son territoire et éviter une fuite des cadres. » Autre tendance de fond : les écoles historiquement installées en région n’hésitent plus à se doter d’un flagship parisien pour attirer à l’international. Citons, entre autres, les campus de Grenoble École de Management à Pantin et d’EM Normandie à Clichy. « La compétition est accrue entre ces établissements pour trouver un actif immobilier dans la capitale et en Île-de-France », observe Charlotte Bonneville.

L’immobilier d’école, marqueur d’attractivité

Parce que la plupart des écoles privées déclinent le plus souvent des formations comparables, les campus sont devenus des marqueurs d’attractivité. « L’outil immobilier est devenu un levier central pour atteindre ces objectifs où les locaux n’ont plus uniquement un rôle d’enseignement pur », poursuit Magali Von Kanel. En outre, il s’agit d’offrir un cadre d’études et de travail agréable tant pour les étudiants que les enseignants-chercheurs. « Ce mouvement – enclenché depuis longtemps dans les pays anglo-saxons – est né il y a près de dix ans en France avec l’internationalisation des établissements privés », abonde Charlotte Bonneville. De facto, l’immobilier d’école fait figure de vitrine pour séduire et capter un plus large public étudiant. « Une fois que la vague est lancée, tout le monde a suivi le mouvement à l’exemple des rénovations de plusieurs palaces parisiens ces dernières années. »

Les codes du bureau prime avec une palette de services

Qui dit immobilier d’école, dit besoins particuliers. Mais en quoi ces projets se distinguent-ils vraiment des bureaux classiques ? « Les écoles misent sur la modularité et la flexibilité car les formats d’enseignement ont profondément muté », résume Charlotte Bonneville. Pour ce faire, les campus s’imprègnent à la fois des codes du bureau, de l’hôtellerie, du coworking et du retail pour concevoir des espaces dédiés à l’apprentissage, la recherche ou encore la détente. Exit donc les grands amphithéâtres en série – « tant dans une logique d’efficacité pédagogique, que d’exploitation immobilière, économique ou environnementale », souligne Magali Von Kanel –, pour laisser place à une diversité d’espaces d’apprentissage plus petits et réversibles. À titre d’exemple, l’amphithéâtre du campus parisien d’EM Normandie peut être rétractable en deux en fonction des besoins. Avec une forte dose de flexibilité, les écoles privilégient désormais un mobilier modulable et des réseaux techniques efficaces – permettant la reconfiguration rapide d’une salle de classe en un espace projet. Quant aux zones de flux (couloirs et escaliers), elles sont conçues comme des lieux propices aux échanges. « Tout est fait pour que les utilisateurs aient envie de rester plus longtemps sur le site et profitent de la qualité des infrastructures », pointe Charlotte Bonneville. Interrogé par les équipes de JLL, Laurent Gobert, directeur général chez GDG Investissements, ajoute : « Dans un campus peut être plus qu'ailleurs, le lien social est au cœur des attentes des utilisateurs (…) C'est notre rôle d'anticiper cette flexibilité́ d'usage. Nous concevons et construisons des immeubles techniquement et architecturalement modulables pour évoluer au rythme d'une école. » Son groupe a notamment conçu le campus d’EM Normandie à Clichy.

Un produit acyclique

Avec 452,4 millions d’euros investis par les acteurs du real estate sur les années 2021 et 2022, l’immobilier d’école n’est plus synonyme de repoussoir comme jadis – mais fait figure de produit acyclique. « Les investisseurs sont de plus en plus présents sur ce marché de niche pour deux raisons principales. D’abord, les offres d’immeubles ERP (ndlr, établissement recevant du public) sont rares alors que la demande demeure très forte. Ensuite, avoir une école privée comme locataire reste très sécurisant en termes de revenus, car elles signent le plus souvent des baux longs », égrène Magali Von Kanel. Très récemment, La Française Real Estate Managers – pour le compte de sa SCPI Épargne Foncière – a repris en vente en l’état futur d’achèvement (vefa) un immeuble de 7 350 mètres carrés à Bordeaux pour près de 32 M€. L’ensemble est déjà préloué à hauteur de 79 % à l’école ISG (groupe Ionis), contre loyer oscillant entre 180 et près de 200 €/m2/an. « Quand une école décide de pousser les murs, il faut être très réactif pour trouver les locaux adéquats. Les écoles qui anticipent, le plus en amont possible, leurs besoins en matière de nouveaux mètres carrés — entre 3,5 et 4,5 m 2 par étudiant en moyenne — sont incontestablement les mieux placées », confiait récemment Nicolas Coiffait, directeur associé d’Elevare, à Regards Croisés.

Un marché en devenir

Sans conteste, l’immobilier d’école est un marché en devenir. Outre les ouvertures prochaines des campus Grenoble École de Management et Sup de Co Nantes en région parisienne et le déménagement d’EMLyon en 2024, de nouveaux projets verront le jour dans un futur proche. À titre d’exemple, Nexity, qui a remporté la réalisation de deux îlots d’une surface de 33 000 mètres carrés dans le quartier de la Confluence à Lyon — prévoit de dédier 12 000 m2 aux établissements d’enseignement supérieur et de formation. En région toujours, une importante restructuration est attendue pour la NEOMA Business School à Reims. En région parisienne cette fois-ci, une consultation doit être lancée prochainement par HEC pour son futur campus multi-usages (100 000 mètres carrés) à Jouy-en-Josas. « Chez JLL, nous accompagnons à l’heure actuelle une dizaine d’écoles privés pour des besoins immobiliers compris entre 5 000 et 30 000 mètres carrés mais aussi des investisseurs pour lancer des projets en blanc à destination de ce public », parachèvent Magali Von Kanel et Charlotte Bonneville.

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